Une question m’intrigue en ce moment, à la suite d’un article récemment posté sur arXiv où j’utilise la tribu d’un Borel d’un espace non-séparé.
Il est habituel de définir la tribu de Borel d’un espace topologique comme la -algèbre engendrée par les ouverts. C’est d’ailleurs la définition fournie aujourd’hui par Wikipedia.
Quand est séparé (Hausdorff), elle permet de faire des parties compactes des ensembles mesurables (puisqu’alors tout compact est fermé), ce qui est plutôt désirable.
Mais que se passe-t-il si n’est pas séparé ?
Les espaces sobres, que l’on rencontre par exemple en géométrie algébrique ou en informatique théorique, sont des cas classiques d’espaces non-séparés. Définir leur tribu de Borel comme ci-dessus ne permet pas d’inclure les parties compactes (ou compactes saturées).
Il est alors d’usage de redéfinir la tribu de Borel comme la -algèbre engendrée par les ouverts et les parties compactes saturées. Je rappelle qu’une partie est saturée si elle coïncide avec l’intersection des ouverts la contenant. Dans le cadre des espaces non-séparés, les compacts saturés ont de meilleures propriétés que les simples parties compactes, notamment en vertu du théorème de Hofmann–Mislove. Celui-ci nous apprend que, dans un espace sobre , les filtres Scott-ouverts d’ouverts de sont en correspondance bijective avec les compacts saturés de .
Problème.
Avec cette nouvelle définition des boréliens, il n’est plus évident que toute fonction continue soit mesurable !
Aussi surprenant que cela paraisse, il n’y a pas trace d’une telle question dans la littérature.
Ce qui m’intéresse alors est non seulement de trouver un contre-exemple, mais aussi de mettre au jour une condition nécessaire et suffisante sur l’espace (respectivement sur l’espace ) pour que toute fonction continue de dans soit mesurable pour tout (respectivement pour tout ).
J’ai posté la question sur ce forum sans grand succès. Mais cela m’a permis de réfléchir un peu plus à la question.
Notons déjà que est mesurable si et seulement si est mesurable pour tout , si l’on note l’intersection des ouverts de contenant .
L’ensemble est compact saturé et un élément est dans si et seulement si , où est le préordre de spécialisation de l’espace topologique .
Ainsi, si est , tout ensemble est réduit au singleton , et ce singleton est fermé, donc la fonction est mesurable.
Egalement, si est à base dénombrable de voisinages (first-countable en anglais), alors tout peut s’écrire comme une intersection dénombrable d’ouverts, donc à nouveau est mesurable.
Enfin si est une application ouverte et bijective, alors l’image réciproque de est de la forme pour un , donc est mesurable.
Peut-on trouver d’autres situations où les choses se passent bien ?